Quelle formation continue pour les enseignants ?
mercredi 12 novembre 2014
Le Café pédagogique a déjà évoqué la Journée mondiale des enseignants qui s’est tenue à l’Unesco le 6 octobre 2014 et les débats autour du numérique qui s’y sont menés. En parallèle, s’est tenue un atelier concernant le « Développement professionnel continu des enseignants » animé par Luc Ria, de l’Institut Français d’Education.
Cet atelier a permis la confrontation d’expériences variées dans le monde sur cette question et de fructueux échanges. Les débats ont notamment porté sur ce que recouvre l’expression de l’Unesco : « Développement professionnel continu ». Il est apparu au plus grand nombre qu’il était nécessaire de développer des recherches plus importantes notamment sur la question des gestes professionnels adéquats.
La nécessité de choix politiques clairs et donc financiers dans le domaine de la formation continue des personnels est apparue indispensable, mais nécessite de réaffirmer un certain nombre de principes.
L’enseignant doit être reconnu comme un professionnel à part entière qui doit être partie prenante, maître d’œuvre a-t-il été dit, de son projet de formation continue. Pour que celui-ci soit efficient, il doit partir des motivations, des attentes, des demandes notamment en situation de vulnérabilité par rapport, par exemple à des publics qui apparaissent difficiles….Des zones de tensions sont inévitables entre les demandes des personnels et les attentes de l’Institution, mais elles doivent être prévues, anticipées et dépassées.
Un enseignant performant , en capacité d’innovation pédagogique, d’adaptation à des publics diversifiés- et cela a été évoqué par de nombreux pays, c’est, un enseignant qui est sécurisé, à qui l’ont fait confiance, notamment lorsqu’il travaille avec certains publics ou qu’il est isolé en zone rurale, et pour lequel l’institution est rassurante, en prévoyant des dispositifs pour l’accompagner dans l’accomplissement de son métier.
Or, il apparaît notamment en Amérique du Nord et dans certains pays d’Afrique qu’une formation continue obligatoire des personnels peut être révélatrice d’une certaine crise de confiance vis-à-vis des enseignants lorsqu’elle est corrélée à des notions de performance pure. Comme l’a dit un formateur d’enseignants des USA : « La notion de développement personnel est rejetée par les enseignants lorsqu’elle apparaît liée à la culture de la performance et conduit à fermer des établissements. ». Cette dérive est dangereuse et risque de décrédibiliser certaines formations qui peuvent apparaître en rupture avec l’éthique du métier enseignant. « On est loin des enfants, des élèves, on est sur la modélisation des critères de performance liés à certains élèves. Si on a des élèves difficiles, on risque de perdre son emploi . » a indiqué un participant à l’atelier.
Cela a suscité des questionnements autour du sens, des contenus, des finalités des objectifs de la formation continue…sur son statut : Est-elle un droit que chacun peut ou non utiliser, Est-elle une obligation ? Correspond-elle aux demandes, aux choix des enseignants ou est-elle un mode de gestion des politiques éducatives ? Quelles places , notamment dans le secondaire à des formations disciplinaires par rapport à des formations transversales ? Quels formateurs ? Des universitaires ? Des pairs ? des formateurs recrutés à cette fin ? Autant de zones de tension qui ont été mises en lumière.
L’atelier s’est aussi interrogé sur la nécessité de ne pas avoir une vision restrictive du terme « enseignant ». Il est nécessaire dans l’intérêt de l’élève de prévoir des temps de formation en commun concernant tous ceux qui ont un rôle éducatif dans et autour de l’établissement afin de construire de la cohérence éducative. La place donnée à des formations collectives impliquant toute la communauté éducative est apparue comme un enjeu et il est apparu important de bien articuler des formations individuelles et des formations collectives dans toute politique de formation continue des personnels.
Une formatrice de Hong Kong a développé l’importance de penser, de travailler l’éthique du métier enseignant, leurs responsabilités avec les personnels et de le faire dans le cadre d’un dialogue critique, mais non évaluatif sur les pratiques de chacun « en sachant que chaque individu doit tendre vers ce qu’on peut appeler la perfection, sans savoir ce qu’elle est exactement et si c’est toujours la même quels que soient les publics. ».Pour une enseignante de l’UNWRA au Liban qui travaille avec les réfugiés palestiniens de Syrie « prouver qu’on fait confiance aux enseignants, c’est leur donner les moyens de pouvoir aider, inclure tous les enfants accueillis à devenir instruits, tolérants et fiers de leur appartenance. »
Les premières années d’exercice sont – et cela a été souligné par tous les pays – celles où les enseignants ont le plus besoin d’accompagnement. La synthèse s’est faite dans ce domaine sur le fait d’éviter toute démarche punitive ou compassionnelle, mais sur l’enjeu de les accompagner en s’appuyant sur leurs réussites, en les fortifiant dans une démarche de confiance. Le rôle de la tenue d’un journal a été évoqué comme un outil permettant une réflexion sur les pratiques et les décisions prises. L’importance de rencontres fréquentes entre pairs, de mise en place de réseau de professeurs pour échanger a été évoqué, notamment par les enseignants d’Amérique du Sud pour que des enseignants ne culpabilisent pas en pensant être les seuls à supporter certaines difficultés… Enfin, la formation continue des enseignants apparaît dans certains pays, le Brésil a été cité, comme un marché pour des entreprises privées qui visent uniquement leurs profits immédiats en ne s’adressant qu’à certains publics et dont le contenu des formations semble assez médiocre.
Jean-Louis Auduc
source : Café pédagogique